L’enrichissement sans cause non applicable à la réparation intégrale du préjudice

L’enrichissement sans cause non applicable à la réparation intégrale du préjudice

Publié le : 24/03/2021 24 mars mars 03 2021

La théorie de l’enrichissement sans cause, est un principe juridique admis lorsqu’une personne bénéficie d’un enrichissement injustifié, et ce au détriment d’une autre, qui ne repose pas sur une cause légitime ou prévue de manière contractuelle. 
Ce principe est régi par l’article 1303 du Code civil et a été défini la première fois comme « dérivant du principe d’équité qui défend de s’enrichir au détriment d’autrui et n’ayant été réglementée par aucun texte de nos lois, son exercice n’est soumis à aucune condition déterminée » (Cass. req. 15 juin 1892). 
Celui qui évoque l’enrichissement sans cause doit apporter la preuve que l’avantage procuré est injustifié. 

Récemment, la Cour de cassation a analysé l’application de ce principe en matière de responsabilité liée aux obligations d’un architecte. 

Dans les faits, un couple de particuliers souhaitant édifier une maison individuelle confie une mission de maîtrise d’œuvre complète à un architecte. Les travaux de gros œuvre sont alors réalisés par une entreprise. 

Alors que le chantier n’est pas terminé et que la réception n’a pas eu lieu, les maîtres d’ouvrage constatent des inondations et cessent de payer les factures. 

En conséquence, la société chargée de réaliser le gros œuvre assigne le couple et l’architecte afin que soit prononcée la réception judiciaire, en plus du paiement du solde des factures restantes. 
A titre reconventionnel, les maîtres d’ouvrage demandent que l’architecte et l’entreprise soient condamnés en réparation de leur préjudice lié aux inondations. 

La demande reconventionnelle est acceptée par la Cour d’appel qui condamne l’architecte et la société in solidum à verser aux maîtres d’ouvrage les sommes correspondant à la réparation de leur préjudice.  

Mais l’architecte interjette appel de la décision estimant qu’il y a enrichissement sans cause réelle et sérieuse du couple du fait du versement de dommages-intérêts, alors qu’ils n’ont subi selon lui aucune perte ni profit. 
A ce titre, il évoque le fait que bien que le devis initial faisait mention d’un cuvelage (mise en place d’un caisson étanche dans le sous-sol de la maison) à titre facultatif, un expert judiciaire a établi que sa réalisation était pourtant indispensable afin d’assurer l’étanchéité du sous-sol de la maison, pour l’architecte le coût du cuvelage devait être supporté par le couple au titre des travaux. Le remboursement du cuvelage constituant ainsi la raison de l’enrichissement sans cause. 

Mais la Cour de cassation ne valide pas ce raisonnement et rejette le pourvoi formé par l’architecte. 

Pour la Haute juridiction, ce dernier a manqué à son devoir de conseil puisqu’il ne démontrait pas avoir suffisamment informé les maîtres d’ouvrage, avant les travaux, des risques induits par l’abandon de la structure en coque, alors que les travaux réparatoires tels que préconisés par l’expert judiciaire incluaient la réalisation du cuvelage. 

Ainsi, la notion d’enrichissement sans cause ne trouve pas application puisque le couple a droit à l’indemnisation totale du préjudice par la remise en état de l’ouvrage afin qu’il soit exempt de vice et conforme aux dispositions contractuelles.

Référence de l’arrêt : Cass. 3e civ. 26 novembre 2020 n° 18-26.402

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